Création d'un bassin à tritons
Contexte
L’entreprise Acorus, située à Autoreille en Haute-Saône (70) est une production d’hydrophytes depuis 1994. Sur une surface de 3000m², l’exploitation produit plus de 200 plantes vivaces de milieux humides. Elle s’attèle à la fois à la production de plantes de milieux naturels, et des plantes d’ornements. Bien que des engrais soient utilisés, les pratiques s’inscrivent dans une démarche respectueuse de l’environnement. Toutes les actions sont réalisées à la main, rien n’est mécanisé, les pesticides sont utilisés très rarement. Anne De Oliveira à la tête de la production, veille aussi à ce que les clients souhaitant renaturer un espace grâce à ces vivaces, aient un projet cohérent et viable.
L’entreprise se trouve à l’écart de la ville et de la circulation. Au Nord-Ouest, un massif forestier surplombe la production, sans qu’aucun obstacle ne les sépare. À l’Est se trouvent Les Jardins d’Acorus au sein desquels se trouvent plusieurs mares. Ces conditions abiotiques font du site l’habitat de prédilection de plusieurs espèces d’amphibiens. Le triton fait partie de ces espèces, il hiberne en milieu forestier puis migre vers les milieux humides pour la reproduction. Ses populations sont menacées à cause des routes qui fragmente leur habitat et engendre l’écrasement des individus pendant la migration. Aussi, les milieux humides disparaissent peu à peu. Aujourd’hui toutes les espèces de triton sont protégées en France. Il s’avère que le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris) et le triton palmé (Lissotriton helveticus) sont présents sur la production depuis plusieurs années. Bien qu’il n’y ait pas d’obstacle entre les milieux d’hibernation et de reproduction, la manipulation des plantes peut causer l’écrasement des individus, un dérangement pendant la reproduction, ou encore la destruction des pontes qui se font sur les feuilles d’hydrophytes. II. Présentation des missions Au cours de mon stage au mois de février 2021, j’ai travaillé au sein d’Acorus. Mon souhait était de protéger ces populations de tritons. Pour cela, avec un autre stagiaire GPN, nous avons mis en place un projet.
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Objectif à long terme : Protection des populations de tritons alpestre et palmé
> Réaliser un diagnostic écologique au sein de la production d’hydrophytes
> Recherches bibliographiques sur le triton alpestre et triton palmé
> Etude des paramètres physicochimiques de l’eau Inventaire de l’entomofaune aquatique
Connaissances sur les tritons :
- Recherches bibliographiques sur les exigences écologiques des deux espèces concernées par le projet pour adapter les choix concernant la création du bassin aux besoins de l’espèce.
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Définition de l’emplacement du bassin :
- J’ai choisi un endroit directement accessible depuis la forêt pour que les tritons n’aient pas à traverser tout le site avant d’accéder au bassin.
- Une zone de la production où la profondeur de l’eau est faible (30 à 40 cm), partiellement ombragée pour préserver une eau à température suffisamment fraiche pour les adultes et une exposition au soleil pour les embryons.
- Présence permanente de l’eau, l’assèchement du bassin à certaines périodes pourrait détruire les œufs des tritons, ou empêcher les adultes de se reproduire.
Etude de la qualité du milieu :
- Paramètres chimiques de l’eau : J’ai utilisé un conductimètre, qui permet de connaître la température de l’eau, le pH (acidité), et la conductivité.
o Le triton n’est pas extrêmement exigeant concernant la température de l’eau. Mais le développement embryonnaire en dépend, plus l’eau est chaude, plus le développement est rapide. La faible profondeur de l’eau permet à l’eau de chauffer rapidement.
o Le triton est moins adepte des pH acides, il ne s’aventure pas dans les eaux ayant un pH en dessous d’environ 5,5. Dans le bassin, l’eau avait un pH de 7,5.
o Enfin, le triton supporte peu les eaux eutrophisées (forte concentration en nutriments dans l’eau souvent causée par l’utilisation d’engrais à proximité du plan d’eau). La conductivité du bassin était de 200 ppm, ce qui équivaut à une eau mésotrophe (concentration moyenne de nutriments), dont peut très bien s’accoutumer le triton.
o Inventaire de l’entomofaune présente dans et autour du bassin. On retrouve notamment bon nombre de larves de libellules et de trichoptères, espèces bioindicatrices qui confirment que la qualité de l’eau est favorable au triton.
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- Substrat : le triton (surtout le triton alpestre) privilégie des sols de type sablo-limoneux Ensuite, le bassin a été confectionné par mon collègue, qui a défini les mesures, les matériaux et l’aménagement intérieur (substrat en faible épaisseur, plantes oxygénantes : Cornifle immergé - Ceratophyllum demersum, Elodée dense - Egeria densa) puis a réalisé l’aménagement. Le choix des plantes s’est porté sur les oxygénantes parce qu’elles jouent deux rôles essentiels pour les tritons :
- Oxygénation de l’eau offrant une bonne qualité au milieu.
- Support de ponte aux tritons. Les feuilles de ces plantes sont fines et souples ce qui permet aux femelles de replier les feuilles sur elles-mêmes pour « emballer » les œufs.
Pour le maintien du milieu en l’état, les professionnelles d’Acorus souhaitent nous aider en limitant la propagation des oxygénantes (pour que l’herbier aquatique ne devienne pas trop dense), et en surveillant si le bassin est bien habité par les tritons pendant la saison chaude.